La retraite - Monastère bouddhiste zen

Dans cet article ce n’est pas moi qui raconte mais une personne ayant partagé l’expérience avec moi et l’ayant retranscrite par écrit. A partir de son récit, j’ai mis en forme cet article.

 

Après la retraite que j’avais faite à l’Abbaye de Citeaux fin 2018, c’était une nouvelle expérience de la vie monastique dans un cadre et une pratique différente.

 

Nous avons passé 3 jours dans le Monastère Zen Kanshoji situé en Dordogne à proximité de Limoges.

Kanshoji : Monastère de la Lumière de Kannon, signifie littéralement en japonais : Temple de la lumière de la compassion. Nous avons pu y faire une retraite bouddhiste zen sôtô ouverte aux non initiés. L’école Zen Sōtō est la plus importante des écoles bouddhistes zen du Japon avec plus de 14.000 temples.

 

Si vous vous demandez ce qu'est le bouddhisme zen, ses disciples vous diront qu'il ne se définit pas mais qu'il se pratique. Cette pratique s'appelle le Zazen (Za = assis et zen = méditation en japonais). Rester assis et se concentrer sur sa position, sentir son corps, vivre l'expérience de l'immobilité, c'est ce qui va vous être raconté dans la suite de cet article.

 

(Le "je" employé dans la suite est de celle qui a écrit le récit)

 

L'initiation

L'initiation débute le soir, dés l’arrivée dans le monastère. Le godô, responsable de l’enseignement dans le dojo (bâtiment lieu de la pratique), a le rôle de nous former à la pratique. Il nous accueille vêtu du vêtement quotidien du moine que tous, homme ou femme, portent: un pantalon et une tunique de lin noir. Les moines et moniales que nous croisons ont l’autre caractéristique d’avoir tous et toutes le crâne rasé.

Il nous attribue une place que nous conserverons pendant les trois jours et nous explique le déroulement de l’installation et la position à prendre. En arrivant devant son emplacement on salue les mains jointes (c’est à dire les mains en gassho), en regardant son zafu (coussin de méditation rond sur lequel on s'assied pour le zazen) puis on se retourne et on salue les autres, dos à son zafu.

 

La position

La position est la position dite "du bouddha" ou "du lotus", c'est à dire les jambes croisées, si possible un pied sur la cuisse opposée, les genoux qui touchent le sol, la bassin basculé en avant. Le dos doit rester droit pour que la tête ne soit portée que par la colonne vertébrale et que peu de muscles soient nécessaires au maintien de la posture. Ainsi il faut redresser la cambrure lombaire, pencher la tète légèrement en avant pour que les yeux visent l’horizon et reculer le menton. Le dernier élément important consiste a relâcher les épaules, placer les poignets au niveau du pli des cuisses et joindre les mains. La main droite porte la main gauche et les deux pouces se touchent du bout de la pulpe pour former un rectangle. Vous avez la position, maintenant il faut tenir une

heure (2x30min) sans bouger!

 

 

Position "du lotus" sur le zafu (vue de profil) - Crédits: www.spiritualhealing-now.com
Position "du lotus" sur le zafu (vue de profil) - Crédits: www.spiritualhealing-now.com

Le dojo

Le dojo de ce monastère est un bâtiment carré, un peu en hauteur par rapport au reste du monastère. La pratique du Zazen commence devant, il faut retirer ses chaussures et ses chaussettes avant d'y pénétrer. Le dojo se compose d’une vaste pièce unique en bois du sol au plafond. Dans cet espace se trouvent disposés, le long des murs et au centre de la pièce, des meubles en bois de forme carrée formant chacun une plateformes d’une surface d’environ 1m2,  de la hauteur d’une table basse. Sur chacun est posé un zafu.  

Le premier zazen

Le vendredi matin (1er reveil) c’est une cloche qui nous réveille a 6h30. Elle est secouée par un moine qui court le long des couloirs (nous ne l'avons pas vu, seulement entendu) et passe au total 3 fois devant les chambres. Impossible de louper le réveil! A 7h, premier zazen. Il est annoncé par un bruit de bois, un moine frappant contre une planche à coté du dojo et cela s’entend partout dans le monastère. On arrive juste a l’heure à notre grand malheur, la plupart des moines sont déjà installés. Intimidés nous rentrons selon la règle puis installation discrète sur le zafu et nous arrêtons rapidement de bouger pour ne pas perturber le calme ambiant. Grave erreur. En moins de 5 min nous commençons a sentir que la position est pénible à tenir. La mauvaise installation, l’absence de pratique et le manque de souplesse se font sentir. Le mélange de douleur, la pénibilité, la pression extérieur et  l’auto-contrainte entraînent un état de tension et de malaise intérieur qui monte jusqu’a ressentir des bouffées de chaleur qui se rapprochent des phases pré-évanouissement. Bouger est obligatoire, même de façon minime! Après 30min de calvaire à ne penser que souffrance (en ce qui nous concerne), une cloche sonne et tout le monde peut se lever puis marcher quelques minutes avant la 2nde session de 30 min. 

 

Les repas

C’est le métal qui est frappé pour annoncer les repas, pour le petit déjeuner il y a de nouveaux saluts (en plus de ceux à faire pour le zazen) avant de s’asseoir. Puis on prononce des sutras (sortes de maximes) en français. Pendant la retraite, les repas se prennent en silence. Les plats sont posés a l’extrémité d’une table de 6. La tradition veut que chacun serve son voisin d’en face avant de passer au binôme suivant, pour indiquer que l’on en a assez sans parler on ouvre la main, la paume vers le ciel.

 

La vie au monastère

Outre les repas et les zazen, il y a un temps ou tout le monde (moines, moniales et participants de la retraite) se rejoint pour le samu (littéralement : « service par le travail »). Cela dure environ 2 à 3h par jour durant la retraite, l’intérêt est d’accomplir des taches collectives au service de la communauté. D’après la tradition, c’est la continuation du zazen dans l’activité. Les activités comprennent la cuisine, le nettoyage, le potager, la vaisselle. Elles se pratiquent avec l’esprit "éveillé", dans le silence et la concentration.

 

L'expérience du zazen

Au fil des zazen (4 séances de 1h chaque jour), cela devient une routine, on retire nos chaussettes, on rentre dans le Dojo, on salue comme si on avait fait ça toute notre vie, on se rend à notre place tout naturellement. L’intégration dans le monastère est si entière, l’implication dans la vie quotidienne si complète, qu’on fait vite partie du fonctionnement naturel. C’est agréable d’une certaine manière de se laisser porter et en fin de compte d’être rapidement autonome dans le rythme de vie.

 

La pratique, elle, reste tout de même une source de tension et pendant zazen, il m’arrive de me mettre a compter les minutes, seconde après seconde en imaginant qu’il ne reste plus que 15min, puis 10 etc. avant la libération!

 

Que cela soit physiquement ou mentalement on est rarement dans les mêmes disponibilités. Le zazen ressemble à un "art de la répétition changeante". On répète la même routine de peu de choses, seulement s'asseoir, rester immobile, s'observer, essayer de calmer son esprit et son corps. A priori c’est toujours la même expérience, et pourtant, au fil de la pratique, on se rend compte des variations à chaque session de zazen.

 

L'expérience du temps

Comme vous avez pu le lire ci-dessus, la durée, notamment pendant le zazen, peut être perçue comme longue, très longue par l'inconfort, la douleur, le contexte (silence malgré 40 personnes dans la salle) et la fixation mentale sur la fin de la session que l'on attend avec impatience.

On est à la fois en groupe (avec quelqu'un à sa gauche et à sa droite) et seul, seul à lutter contre soi, ses douleurs et le temps.

 

Le reste de la journée est rythmé par les tâches quotidiennes (samu), des cérémonies traditionnelles, les repas, ce qui laisse peu de temps "individuel". Bien que vivant dans une communauté, avec un emploi du temps chargé et des activités communes nombreuses, leurs règles de vie, différentes de celles que l'on peut connaître en société, ainsi que leurs pratiques leur permettent d’avoir des moments "seul avec soi-même" (zazen, repas en silence, temps de repos).

Nous qui nous pensons libre dans notre société, y arrive-t-on de notre coté?


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