L'expérience du voyage - Entre constats et leçons

Cet article sur le voyage que j’ai effectué entre la France et Hong-Kong de mai à juillet 2019 est le 2eme d’une série de 3, à l’instar de la série de 3 articles que j’avais fait pour mon séjour au Sénégal. Il est consacré à l’analyse et à des anecdotes du voyage. Le 3eme et dernier article sera consacré au temps.

 

En préparant cet article je m’interrogeais sur la façon de présenter les éléments que je voulais partager avec vous. Avant ce voyage j’aurais présenté les choses en disant que j’étais passé par tel pays, que j’avais vu telle chose et que j’en avais tiré telle conclusion sur ce qu’étaient les habitants de ce pays ou sur leurs habitudes.

Seulement j’ai réalisé que la connaissance que l’on a d’un pays et d’une culture par le voyage est limitée. En tant que voyageur on ne voit qu’un territoire, à un moment donné, dans une configuration donnée, un peu comme une pièce de théâtre. Je ne sais si c’est par habitude, par facilité ou autre mais je me suis rendu compte qu’avant ce voyage j’avais plus tendance à vivre l’expérience du voyage dans un pays pour tirer des conclusions (bien hâtives) sur ses habitants ou sa culture plutôt que d’en tirer quelque chose pour moi, sur mes habitudes ou ma façon de vivre. C’est finalement ce qui me parait le plus important : rencontrer la différence pour s’interroger sur soi.

 

Un rapport au corps différent

Au total j’ai passé 10 nuits sur un siège ou une couchette de train, avec bien souvent des douleurs ou courbatures au réveil. Bien que cela soit un peu pénible, je me suis rendu compte qu’avec un confort moindre par rapport à ma vie quotidienne en France, j’avais « conscience » de mon corps en me levant le matin. Mon corps était présent et il me le faisait sentir, chose que bien souvent je ne ressens pas quand je sors de mon confortable lit en France. Pour peu que l’on veuille bien les sentir, les écouter, ces sensations sont une partie importante du voyage. On expérimentant un autre environnement et un autre mode de vie, j’ai ainsi pu expérimenter un rapport à mon corps différent.

 

Entre tensions et relâchements

Il y avait dans ce type de voyage itinérant bon nombre de tensions. Ces tensions étaient en majorité issues de la méconnaissance de l’environnement auquel je me trouvais confronté (langue, territoire, culture inconnus). Comment me déplacer ? Comment m’orienter ? Comment commander quelque chose à manger à quelqu’un qui ne parle que chinois ? Finalement c’est dans les transports que je pouvais me détendre, que j’avais peu à penser et que je pouvais regarder le paysage sans avoir à chercher une information, laisser aller mon esprit pour quelques minutes, quelques heures voire quelques jours. Le voyage était ainsi rythmé entre ces tensions et ces relâchements.  

 

Dans le train entre Moscou et Irkoustk (Transsibérien)
Dans le train entre Moscou et Irkoustk (Transsibérien)

L’exceptionnel

Même en voyage, même en changeant de lieu tous les jours j’ai recréé des automatismes, des habitudes. Bien souvent « inconsciemment », c’est-à-dire qu’avec du recul j’ai l’impression que des  automatismes se mettaient en place afin de gérer la fatigue liée à ces changements d’environnement quotidiens sans pour autant subir une situation. Après environ 3 semaines ce qui me paraissait exceptionnel au début par rapport à mon quotidien en France le devenait beaucoup moins, comme par exemple arriver dans un nouveau pays. J’avais l’impression qu’en recréant « inconsciemment » ces automatismes je perdais une partie de ma capacité à m’émerveiller, une partie de cette soif de découverte. Je me suis demandé combien de temps durait l’exceptionnel ? Je ne pense pas que cela se quantifie mais pour moi cela dure aussi longtemps que j’en suis conscient et que je fais un effort quotidiennement pour ne pas que cela s’ancre en moi. Cela dépend du contexte ou encore de l’énergie dont je dispose. Une fois ancré il est difficile de faire le mouvement inverse pour retrouver cette "fraîcheur d'esprit".

 

 

La ville

La plupart de mes étapes je les ai faites dans des villes comme Varsovie, Tallinn, Moscou ou encore Oulan-Bator. Les villes sont des solutions d’étape faciles car elles présentent tout ce dont un voyageur peut avoir besoin. Boire, manger, dormir, s’informer, échanger, prendre un moyen de transport, la ville est en quelque sorte le «supermarché du voyageur», on trouve de quoi couvrir ses besoins dans un même lieu. Si cela est en effet très pratique j’ai par ailleurs fait le constat que l’expérience du présent dans ces villes est de plus en plus similaires. Les mêmes centres commerciaux, les mêmes marques (Mc Donalds, Burger King, Apple, Louis Vuitton, Starbucks Coffee, Adidas, Nike, etc.). L’architecture, les traces du passé restent présentes et font la singularité de chacune de ces villes mais elles tendent à perdre leur visibilité noyées dans cet océan de marques. On en fait quelques photos et puis on file dans les magasins.  

 

Le visa

En tant qu’habitant de l’Union européenne j’ai pris l’habitude de circuler en Europe sans me poser de question sur le passage d’un pays à un autre tant cela se fait naturellement. Toutefois pour entrer en Russie, Mongolie ou Chine il faut un visa. Un visa c’est une autorisation d’entrer sur le territoire d’un pays étranger pour un motif donné (exemple : tourisme ou affaires). Avec la facilité que  l’on a à prendre le l’avion pour aller à l’autre bout du monde on peut avoir tendance à oublier cela mais un voyageur est avant tout un invité dans un pays ce qui signifie avoir certains privilèges mais aussi des devoirs. 

 

Pour ma part j’avais prévu un temps suffisant pour obtenir les visas russe et mongol en France avant mon départ mais pas assez pour obtenir mon visa chinois. Après m’être renseigné j’avais pris le parti de demander mon visa à l’ambassade de Chine en Mongolie qui se trouve dans la capitale, Oulan-Bator.

Le service visa de l’ambassade était ouvert de 9:30 à 12:00 lundi, mercredi et vendredi. Au vu des renseignements que j’avais pris je ne m’attendais pas à ce que ce soit une formalité mais je ne pensais pas que cela serait aussi chaotique. Dès ma première visite sur place j’ai pris la mesure de ce qui se passait. Une porte métallique devant laquelle patientaient plusieurs dizaines de personnes parmi lesquelles quelques autres voyageurs comme moi (suisse, australien, allemand), aucune file d’attente organisée et des agents de sécurité qui ne parlaient que le mongol. Entre les heures d’attente, les bousculades et les gens que l’on autorise à passer devant moi sans trop que je comprenne pourquoi j’étais déstabilisé.

Arriver dans les premiers pouvait augmenter les chances de réussite mais en aucun cas garantir de pouvoir entrer dans l’ambassade. J’ai expérimenté lors de ma seconde tentative d’être parmi les premiers devant la porte en arrivant vers 7h30, je suis resté devant, prêt à rentrer jusqu’à la fermeture à 12h. Des dizaines de mongols avaient été autorisés à passer devant moi je ne savais trop pour quelle raison. Après 10 jours à Oulan-Bator à me rendre un matin sur deux à l’ambassade de Chine pour attendre 4-5h debout j’ai finalement réussi à entrer dans l’ambassade et à déposer mon dossier de demande de visa. L’histoire est longue, je ne la raconte pas en détails ici mais la situation s’est débloquée grâce à la rencontre d’un couple (suisse et mongole) pendant l’attente devant l’ambassade mais aussi en persévérant.

Je ne saurais expliquer pourquoi mais j’avais comme la conviction que la situation allait se débloquer à un moment, qu’il fallait observer, accepter la situation et faire profil bas. Une dizaine d’autres voyageurs n’ont pas eu cette patience et ont voulu gagner ce que j'appelle "la bataille de l’arrogance (ou de la fierté)" devant des agents de sécurité peu aidants. Ces voyageurs ont, d’après moi, rapidement oublié pourquoi ils étaient venus et on peut-être manqué d’humilité cherchant à discuter avec les agents de sécurité. Pour ma part, comme d’autres voyageurs, j’ai accepté de me faire malmener par les agents de sécurité durant plusieurs jours pour au final atteindre mon objectif c’est-à-dire obtenir le visa chinois.

 

J’en reviens à mon propos du début sur les visas : lorsque l’on voyage j’ai appris qu’il ne fallait pas oublier que j’étais avant tout invité sur un territoire, qu’il fallait le respecter, faire preuve d’humilité et ainsi accepter ses règles pour pouvoir continuer mon chemin.

Décrypter les situations

Pour faire écho à ce que je disais sur mon expérience du visa chinois, j’avais une sorte de conviction, je sentais que je devais attendre mon kairos, que cette attente faisait partie de mon chemin. J’ai eu l’impression que plus j’avançais dans mon voyage et plus j’arrivais à décrypter une situation, à sentir ce qui se passait à l’intérieur et à l’extérieur de moi pour prendre mes décisions. Cela est difficile à exprimer avec des mots, cela relève de sensations, d’émotions. Plus je m’éloignais de chez moi, plus j’étais malmené, lessivé par le chemin, lavé de mes habitudes de vie en France, éloigné de mes proches, et plus je réalisais que mon seul repère c’était moi avec mon vécu, mon expérience, mon caractère, mes sensations. Je me risque à dire que l’on doit tous plus ou moins avoir cette capacité de lecture d’une situation, de savoir où est son chemin pour prendre les « bonnes » décisions. Seulement le poids des habitudes ou encore de l’entourage prend bien souvent le pas sur ces signaux à l’intérieur de soi. 


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Commentaires: 1
  • #1

    François Henriot (mercredi, 21 août 2019 23:12)

    Gauthier, salut grand voyageur ! J’ai suivi tes pérégrinations. Tu voyages dans l’espace, dans le temps parmi les humains et surtout dans ton âme. J’admire ta force et ton humilité. Il y a longtemps j’ai visité Moscou, seul, mais l’esprit émerveillé. Nous en reparlerons peut être. Poursuis ton chemin avec confiance. Take care of you. François