Pour ce dernier article sur les expérimentations que j'ai menées depuis près d'un an dans le cadre du projet Kairos j'ai décidé de faire différemment. Plutôt que de faire un article rédigé et structuré comme j'avais fait jusque la je me suis dit qu'il pourrait être intéressant de retranscrire directement quelques notes prises sur mon carnet durant ce voyage. Elles peuvent ne pas paraître très claires ou pas très abouties car bien souvent pour les précédents articles je les retravaillais pour les articuler ensemble. J'ai sélectionné des réflexions sur le temps mais pas seulement. Je vous en souhaite une bonne lecture.
- Les traditions: ce qui résiste à l'épreuve du temps, c'est un lien entre les générations, une base pour se forger son identité, c'est un lien avec un territoire. La culture mongole me parait encore traditionnelle avec la vie en famille dans la yourte. Quelles sont les traditions qui perdurent dans le mode de vie français? Le repas de famille du dimanche? Noël? Les repas d'anniversaire?
- La routine: temps perdu si elle n'est pas vécue "consciemment" ?
La répétition d'une action construit des automatismes qui nous éloignent de la présence que l'on avait lors de la première fois où nous l'avons réalisée. Alors nous nous disons qu'il faut changer pour apporter de la nouveauté, "réveiller" cette présence de la première fois, mais finalement ce que nous cherchons n'est il pas de se sentir présent au moment où nous agissons? Si la réponse est "oui" alors une des clés serait de résister à ces automatismes qui se mettent en place lorsqu'on répète une action, il faut en quelques sortes résister à soi.
- Nous nous plaignons que le temps passe trop vite et pourtant nous savons comment le ralentir, nous connaissons les moyens pour l'étirer. Par exemple s'asseoir sur une chaise les mains sur les genou pendant plusieurs heures sans rien faire d'autre qu'être assis pourquoi ne le faisons nous pas quand nous nous plaignons que le temps passe trop vite? Nous fuyons l'ennui, cherchons à tuer le temps et après nous avons l'impression de ne pas le trouver, n'est ce pas paradoxal?
- Cette fuite de l'ennui, de ce temps interminable, accompagné de la mise en place des automatismes de la routine nous plonge dans une recherche fréquente de CONFORT, qu'il soit matériel ou situationnel. Le confort, argument marketing puissant, n'aurait il pas tendance à nous endormir plutôt qu'à réveiller cette présence dans nos actions?
- Le développement de la capacité à ne pas s’accommoder du confort ne serait il pas une solution pour se sentir plus présent dans nos actions?
- Le voyage avec sa dose de nouveauté et d'inconfort exalte cette présence dans nos actions, dans notre lien avec ce que nous percevons de l'extérieur. Est ce que ce ne serait pas la raison pour laquelle nous aimons tant voyager? Parce que nous nous sentons présents, vivants et que c'est ce que nous cherchons?
- Nous ne nous souvenons pas de tout ce que nous avons vécu jusqu'à présent? Pourquoi certains événements sont plus inscrits que d'autres dans la mémoire? Est ce que l'oubli ne serait pas le reflet de la façon dont consciemment ou inconsciemment nous nous servons des expériences vécues pour nous construire (avec une appropriation/réappropriation de certains 'événements passés)? Si cela s'avérait alors il faudrait creuser en soi, chercher ce que l'on a en mémoire pour pouvoir dessiner sa trajectoire de vie passée et la prolonger plus sereinement dans le présent mais aussi est surtout vers l'avenir
- Les SMS, tweets, "citations" d'une interview, conçus pour être rapidement lus sont en fait une réduction de la pensée. En réduisant le temps de parole pour limiter les efforts d'attention nous réduisons la pensée, nous la dé-contextualisons pour lui donner le sens que nous voulons.
-Lorsque l'on est bien avec soi, serein on se tourne plus facilement vers les autres et les situations de vie en commun (comme dans les transports par exemple) sont moins vécues comme frustrantes, stressantes par les comportements des autres. Il faudrait avant tout être bien avec soi pour pouvoir être bien avec les autres.
- Ce que nous pourrions appeler "liberté" est avant tout un état intérieur avant d'être un espace d'action. Par la manière dont nous allons réagir aux événements, par la manière dont nous gérons certaines informations ou situations et par la manière dont nous nous projetons dans l'avenir. Ainsi la liberté serait avant tout à gagner sur soi et pas sur les autres.
- En voyage je parle plus pour agir (exemple: demander une direction) que dans mon quotidien en France (où je donne un avis sur des sujets dont je ne connais parfois rien). Est-ce la clé pour bien se faire comprendre et ne pas avoir l'impression de "perdre" du temps?
- Le voyage serait en quelques sortes une allégorie de la vie, nous avançons, prenons avec nous quelques événements en mémoire et nous devons faire face aux problèmes, les prendre à bras le corps pour que le voyage continue.
- Les chinois figés sur leur écran de téléphone ne semblent pas se plaindre de ne pas avoir le temps? Est ce parce qu’ils ne l'expriment pas ou ne ne le ressentent ils pas?

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Alain (mercredi, 25 septembre 2019 12:31)
Le voyage est très différent en ce sens du tourisme. Voyager c'est se mettre en chemin et un peu aussi en question. C'est bouger dans toutes les acceptions du terme. Il faut être nomade, traverser les idées comme on traverse les villages et les villes disait untel. C'est donc créer par principe de la rupture dans le continuum que nous sommes, et être présent (peut-être le "dasein" de Heidegger?) au monde avec tous nos sens.
Bien à toi.